La Nuit Etoilée fu
t une revue illustrée rédigée par des artistes, des écrivains et des chercheurs internationaux.
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dans des travaux inédits et de qualité.

Ce blog réunit quelques articles des 7 numéros parus de 2010 à 2012.

samedi 1 janvier 2011

Memento mori: la vanité


Philippe de Champaigne, Vanité, 1644 (Musée de Tessé, Le Mans)
Par Dorothée Sers-Hermann

Un petit tour d'horizon d'un symbole qui parcourt l'art depuis l'Antiquité: la vanité, ou plus exactement le memento mori.

Le memento mori, littéralement « souviens-toi que tu vas mourir », est un genre particulièrement présent dans la peinture et la poésie. On trouve ses origines dans l’Antiquité ; lors des triomphes romains, un esclave était présent derrière le vainqueur défilant sous la couronne de lauriers ; cet esclave était chargé de rappeler au vainqueur, par cette maxime, sa mort prochaine et la fugacité de sa gloire.
Mais c’est véritablement au XVe et XVIe siècles que le genre explose. La nature morte, symbole d’abondance et de prospérité, du carpe diem, qui existait depuis les débuts de la représentation, s’associe soudain au rappel du temps qui passe. À côté de la corne d’abondance du présent, apparaissent le crâne – symbole évident – et d’autres objets faisant plus subtilement allusion au temps : instruments de musique dont la mélodie s’est tue, bijoux – vanité de la richesse et de la gloire –, verres (bientôt brisés ?), pages d’écriture dont on ne sait si elles vont subsister, instruments de mesure mathématiques, comme dans le célèbre tableau d’Holbein Les ambassadeurs. Dans la très célèbre Vanité de Philippe de Champaigne (ci-contre) sont rassemblés les éléments essentiels : crâne, sablier en train de s’écouler – à moitié plein, à moitié vide – et enfin la fleur, ici une tulipe, fleur très prisée au XVIIe siècle. Le tableau ne permet point d’équivoque : on est ici face au temps, et plus particulièrement devant une allégorie simple, qui évoque les trois âges de la vie : la jeunesse dans la fleur qui s’entrouvre, colorée, fraîche ; la maturité dans le sablier à moitié écoulé, temps de raison où l’on saisit à la fois la jeunesse passée et la vieillesse à venir ; enfin, la vieillesse, consciente de la mort prochaine. Mais l’ordre des choses se trouve bousculé ; le tableau porte en son centre la conscience de la mort, car c’est par cela que nous nous définissons humains. Le peintre attire l’attention sur ce qui est le plus important ; bien vivre au jour le jour est le devoir de l’homme. En ce sens, la vanité est un genre de peinture et de poésie qui s’apparente à la réflexion philosophique et plus particulièrement à une expérience fondatrice, bouleversante, qui va pousser le spectateur à s’interroger sur le vide et le plein de la vie.

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